Par Vibaul Kol – Publié le 22/05/2020
La densité nutritionnelle est une notion peu connue du grand public. Pourtant, dans un contexte d’épidémie mondiale d’obésité et le développement des maladies de civilisation (diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires, cancers…), avoir une alimentation à haute densité nutritionnelle représente un véritable atout pour la santé.
A ce jour, il n’y a pas de consensus international sur la définition de la densité nutritionnelle. Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) indique que la densité nutritionnelle d’un aliment correspond à sa teneur en nutriments rapportée au nombre de calories qu’il contient.
Différentes échelles et autres indices existent (Drewnowski, 2019). Ils comparent le plus souvent la densité nutritionnelle sur des portions caloriques égales d’aliments. Ainsi, des aliments très gras ou très sucrés auront souvent une densité nutritionnelle plus faible. Or, d’un point de vue nutritionnel, toutes les calories ne se valent pas. Des aliments comme le saumon ou les amandes peuvent se retrouver dans la catégorie des aliments à faible densité nutritionnelle alors que leur richesse en oméga 3 les rend pourtant très intéressants pour la santé.
De façon plus globale, il faut retenir qu’un aliment possède une forte densité nutritionnelle lorsqu’il apporte par portion ingérée une quantité intéressante de nutriments indispensables au bon fonctionnement de l’organisme : vitamines, minéraux, oligo-éléments, oméga 3, oméga 9, acides aminés essentiels, anti-oxydants, etc.
Différentes études montrent que la concentration en nutriments de nos fruits et légumes a nettement baissé en 70 ans.
La perte de qualité nutritionnelle peut être attribuée en partie à l’appauvrissements des sols. En effet, l’agriculture intensive qui fait appel à l’utilisation massive d’intrants (engrais et pesticides), est responsable de cet épuisement des terres. Or, de la bonne santé de ces dernières dépend la teneur en nutriments des fruits et légumes.
Aussi, l’usage d’engrais qui permet une croissance accélérée des cultures, rend les aliments moins riches en micronutriments. En effet, ce développement rapide empêche l’assimilation des minéraux et la concentration des vitamines et antioxydants. Ces composés bioactifs, issus du métabolisme secondaire des plantes, ne peuvent s’accumuler que dans des conditions de croissance lente et naturelle.
L’emploi de pesticides a également un impact négatif sur la densité nutritionnelle des fruits et légumes. En cultures bio, les plantes subissent les agressions d’insectes, champignons, et autres bactéries. Pour se défendre, ces dernières synthétisent normalement une quantité importante d’antioxydants. En présence de pesticides, les plantes n’ont plus le besoin de fabriquer ces molécules protectrices et bénéfiques pour la santé. Ainsi, des études montrent que les aliments d’origine bio peuvent être 20 à 40% plus riches en antioxydants que ceux issus de l’agriculture conventionnelle.
Le type de semences utilisées influence aussi la densité nutritionnelle. On observe avec les variétés modernes une baisse significative de la teneur en nutriments des cultures. En effet, la sélection des espèces repose principalement sur des critères de rendement en laissant les considérations nutritionnelles au second plan.
Nos habitudes alimentaires ont considérablement changé depuis le milieu du 20e siècle. Ce phénomène s’explique par les changements socio-économiques qui ont conduit à une modification profonde des modes de vie.
L’alimentation moderne est beaucoup trop riche en aliments raffinés, viandes et produits industriels ultra transformés, et à l’inverse trop pauvre en fruits et légumes, rendant ce « régime » très dense au niveau énergétique (apport calorique important) et particulièrement faible d’un point de vue nutritionnel (apport en micronutriments faible).
Ainsi, lorsque le régime moderne occidental remplace les régimes traditionnels, on constate à la fois dans les pays industrialisés et émergents le développement des maladies de civilisation : surpoids, obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, cancers, etc. Selon l’OMS, 2,8 millions de décès dans le monde sont liés à un problème de surpoids ou d’obésité, et une estimation annonce que d’ici 2040, près d’un adulte sur dix sera touchés par le diabète de type 2.
Pour augmenter la densité nutritionnelle de votre alimentation, faites la part belle aux fruits et légumes. Ceux-ci doivent être la base de votre alimentation en représentant la part principale dans votre assiette. Couleur et variété seront les clés. N’hésitez pas à découvrir de nouveaux légumes que vous n’avez pas l’habitude de manger. Vous apporterez ainsi à votre organisme une quantité importante et variée de vitamines, minéraux, antioxydants et fibres. Privilégiez les produits biologiques et de saison, et idéalement issus des circuits courts (Fuhrman, 2015).
Remplacez les céréales et produits raffinés par leur versions complètes : riz complet, pâtes complètes, pain complet. Plus riches au niveau nutritionnel, ils apportent fibres, vitamines et minéraux. L’exposition aux pesticides étant plus importantes pour les céréales complètes, il est impératif de prendre des produits d’origine biologique pour éviter ces résidus de pesticides.
Augmentez votre consommation en légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots, soja). Ces dernières sont une source très intéressante de protéines et permettent de diminuer votre consommation de viandes. Elles sont aussi source de fibres et minéraux.
L’association céréales et légumes secs est souvent retrouvée dans les repas traditionnels. En Asie, le riz est très souvent associé au soja. En Afrique du Nord, on retrouve l’association riz/lentilles ou pois chiches/blé. Enfin, en Amérique latine, les haricots rouges sont associés au maïs. Ces mélanges céréales/légumineuses permettent d’avoir un apport complet en acides essentiels.
Les produits de la mer sont réputés pour leur excellente qualité nutritionnelle. Mangez au moins 3 portions par semaines de poissons gras des mers froides : saumon, maquereaux ou sardines. Ils apportent à l’organisme des oméga 3 à longues chaînes indispensables à la bonne santé de votre cerveau et de vos artères, et permettent de rééquilibrer le balance oméga 3/oméga 6 évitant ainsi les problèmes d’inflammation chronique.
Par leur richesse en vitamines et minéraux, les fruits de mer comme les huîtres ou la palourde ont un très bon profil nutritionnel. Elles sont notamment d’excellente source de zinc et de vitamines B12.
Les algues peu consommées dans nos contrées sont pourtant incroyablement nutritives. Elles apportent de nombreux minéraux comme l’iode, le calcium, le fer, le magnésium et le manganèse, et contiennent des phycocyanines, caroténoïdes et autres antioxydants bénéfiques pour votre santé. Le choix est vaste : wakamé, dulse, nori, varech, spiruline, etc.
La viande apporte protéines, fer et également de la vitamine B12 que l’on ne trouve que dans les produits d’origine animale. Le PNNS préconise une consommation hebdomadaire de 500g soit l’équivalent de 3 à 5 portions par semaine.
Idéalement, privilégiez des viandes issues d’élevages bio, nourries au fourrage ou graines de lin (label Bleu, Blanc, Cœur). Ces filières garantissent des viandes plus riches en oméga 3 que les filières classiques dans lesquelles les animaux sont nourris aux maïs ou au soja sources d’oméga 6.
Les oléagineux (amandes, noix, noisettes, etc.) sont une catégorie de choix à intégrer à votre alimentation à condition de ne pas en être allergique. Riches en protéines, oméga 3 et source de minéraux (magnésium pour les amandes et sélénium pour les noix du Brésil), ils ont un indice glycémique bas et un fort pouvoir satiétogène. Collations idéales, ils remplaceront les produits industriels ultra transformés faites de « calories vides ».
Faites le plein d’épices et d’herbes aromatiques. Curcuma, gingembre, thym, romarin, origan, etc., vous n’aurez que l’embarras du choix ! Très peu caloriques, elles sont particulièrement denses en micronutriments et présentent un taux d’antioxydants parmi les plus élevés selon l’indice ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity). Elles permettront de rehausser le goût de vos plats et de neutraliser une partie des hydrocarbures aromatiques polycycliques, molécules cancérigènes formées lors de la cuisson vives des viandes (au grill ou au barbecue) (Sisson, 2012).
Le thé est une boisson riche en antioxydants. Il contient des polyphénols dont une grande quantité d’épigallocatéchines gallates (EGCG) qui possèdent des vertus protectrices aux niveaux cardiaques et cérébrales.
Le mode de cuisson des aliments influence également la disponibilité en micronutriments. La cuisson est dans certains cas responsable d’une perte nutritive, et dans d’autres cas elle est bénéfique à l’absorption des nutriments. Les oignons, par exemple, doivent être idéalement consommés crus pour bénéficier d’une concentration maximale en quercitine, tandis que les tomates libèrent davantage de lycopènes à la cuisson. Concernant les œufs, la cuisson idéale est celle qui laisse le jaune liquide et coulant. Préparée de cette façon, l’assimilation des nutriments est optimale.
De façon générale, une cuisson douce à la vapeur est souvent présentée comme la cuisson la plus saine pour la santé.
Nous avons vu dans cet article les raisons pour lesquelles l’alimentation moderne peut être source de carences nutritionnelles et responsable de l’apparition de troubles métaboliques et autres maladies. Le régime moderne occidental particulièrement pauvre en fruits et légumes, est constitué d’une quantité trop importante en céréales raffinées, viandes et produits transformés.
Si vous souhaitez augmenter la densité nutritionnelle de votre alimentation, adoptez un régime plus traditionnel composé principalement de végétaux. Les légumes doivent jouer un rôle central et représenter la plus grande partie de vos assiettes. Les fruits, céréales complètes et légumineuses complètent ce socle végétal. Limitez votre consommation de viande à 3 ou 5 portions par semaine et privilégiez la consommation de poissons gras et autres produits issus de la mer.
Drewnowski, Dwyer, King, Weaver. A proposed nutrient density score that includes food groups and nutrients to better align with dietary guidance. Nutr Rev. 2019;77(6):404‐416.
Fuhrman, Singer. Improved Cardiovascular Parameter With a Nutrient-Dense, Plant-Rich Diet-Style: A Patient Survey With Illustrative Cases. American journal of lifestyle medicine vol. 11,3 264-273. 15 Oct. 2015.
Sisson, Mark (2019). Le Modèle Paélo. Vergèze: Thierry Souccar, 2012.