Vibaul Kol

Les Bienfaits du Jeûne Intermittent

Par Vibaul Kol – Publié le 05/03/2020

Le jeûne intermittent est une pratique de plus en plus répandue. Vous avez sûrement dans votre entourage, un ami ou un collègue qui le pratique. Cette tendance à la mode vous laisse perplexe car selon vous jeûner est un non-sens en termes de santé. Ou au contraire, cette pratique suscite votre curiosité. En effet, le jeûne intermittent semble procurer à ses adeptes de nombreux bienfaits pour la santé : perte de poids, diminution de la tension artérielle, baisse du mauvais cholestérol, meilleures performances cognitives, effet anti-âge, etc

Dans cet article, nous allons voir ce qu’est le jeûne intermittent, l’intérêt de sa pratique et décrire les principaux protocoles existants.


Qu'est-ce que le jeûne intermittent ?

Le jeûne intermittent, appelé en anglais intermittent fasting (IF), n’est pas un régime mais une méthode consistant à alterner des périodes de prise alimentaire avec des périodes de jeun. Ces périodes d’abstinence alimentaire peuvent aller de 16 à 24 heures. Il existe différents protocoles de jeûne intermittent. Chaque pratiquant choisira son protocole en fonction de son emploi du temps, et des résultats qu’il obtiendra. Parmi les différentes déclinaisons de fasting, vous trouverez notamment le 16:8 et le 5:2.

Idées reçues sur le jeûne

De façon générale, lorsque l’on parle de jeûne, les idées reçues sont nombreuses. Cette pratique, souvent associée à la religion, est synonyme de privation et de souffrance. Le jeûne peut évoquer pour certains les troubles du comportement alimentaire, ou encore une pratique sectaire. Dans une société moderne où il est coutume de manger 3 fois par jour, et dans laquelle on prône l’importance du petit déjeuner, sauter des repas comme dans le jeûne intermittent bouleverse les dogmes. Selon la pensée courante, il est donc difficile de croire que le fasting possède de réels bénéfices pour la santé.

Beaucoup de religions ont pourtant dans leur pratique cette sagesse ancestrale et intuitive d’imposer des périodes de restriction alimentaire. Par exemple, nous retrouvons chez les musulmans et chez les chrétiens, respectivement le ramadan et le carême. De leur côté, les moines bouddhistes ne mangent qu’une seule fois par jour (Perlmutter, 2013). Mais au-delà de l’aspect religieux, si l’on regarde d’un point de vue purement génétique, il semble bien que nous, Homo sapiens, sommes programmés pour le jeûne intermittent.

Homo sapiens, programmé génétiquement pour jeûner

Imaginez-vous quelques instants à l’époque Paléolithique. Homo sapiens est un chasseur-cueilleur nomade qui tente de survivre dans un environnement hostile. Aussi bien prédateur que proie, il se trouve au milieu de la chaîne alimentaire, et ne dispose pas de l’abondance de nourriture que nous avons aujourd’hui. Lorsqu’il se met en quête de nourriture, il peut s’écouler plus d’une demie-journée voir davantage avant qu’il ne trouve de quoi se sustenter. Fort heureusement, il possède les aptitudes pour survivre à cette faim : il dispose de la machinerie cellulaire adéquate, fruit de millions d’années d’évolution. Ses supers pouvoirs cellulaires lui permettent d’extraire dans ses réserves, l’énergie nécessaire à alimenter ses muscles et son cerveau, et cela malgré plusieurs heures à jeun.

Nous sommes les descendants d’Homo sapiens et ces fonctions cellulaires sont également inscrites dans nos gènes. Autrement dit, notre corps est adapté au jeûne intermittent. Cependant, suite aux révolutions agricole et industrielle, notre environnement s’est totalement transformé alors que notre patrimoine génétique n’a pas évolué. Nous vivons aujourd’hui dans une société d’abondance alimentaire (Harari, 2015). Bien que l’espérance de vie augmente, les maladies dites de civilisations explosent : obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, etc. Celles-ci sont liées à nos modes de vie et notamment à notre alimentation. De nombreuses études montrent que le jeûne intermittent peut être une solution efficace pour prévenir ou ralentir le développement de ces maladies.

Les bienfaits du jeûne intermittent

Les bénéfices sur la santé du jeûne intermittent sont nombreux. Il favorise la perte de poids et améliore la composition corporelle des personnes le pratiquant (Johnstone 2015). Il permet la diminution des facteurs de risques cardiovasculaires : hypertension, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie (Stekovic et al. 2019). Chez les sujets prédiabétiques et diabétiques de type 2, les études montrent une augmentation de la sensibilité à l’insuline (Furmli et al. 2018). Le jeûne intermittent présente également un intérêt dans les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, en favorisant la neuroprotection, la neurogénèse et le développement des connexions synaptiques (Cremonini et al. 2019). Enfin, on attribue à l’IF des propriétés anti-âges. Ses effets peuvent s’expliquer notamment par l’augmentation de la sécrétion de l’hormone de croissance et la stimulation de l’autophagie (Fung, 2016). 

Protocoles de jeûne intermittent

Il existe de nombreuses déclinaisons du jeûne intermittent mais je vous décris ici les deux principales : le 16:8 et le 5:2.

Le 16:8

Principe du 16:8

De tous les protocoles de jeûne intermittent, le 16:8 est le plus connu de tous et sans doute le plus pratiqué. Les débutants commencent très souvent avec cette version de l’IF car il est extrêmement simple à instaurer. L’abstinence alimentaire dure 16 heures et la fenêtre de prise alimentaire est de 8 heures. Pour suivre ce protocole, il suffit alors de sauter le petit déjeuner ou le dîner.  

L’avantage du 16:8 est sa grande flexibilité : on adaptera la reprise alimentaire en fonction de l’heure du dernier repas ingéré. A noter que faire l’impasse du dîner peut donner de meilleurs résultats. En effet, ce repas est souvent le plus copieux mais au regard de sa haute valeur sociale et familiale, il peut être difficile de le sauter. Les célibataires vivant seul, auront plus de liberté !   

Les personnes ayant l’habitude de prendre un petit déjeuner le matin ou ayant une certaine dépendance au sucre auront sans doute besoin d’un temps d’adaptation. Les premières fois, il leur sera probablement difficile d’atteindre les 12 ou 14 heures de jeûne. Heureusement, l’organisme s’adapte très vite. Lorsque l’on avance dans la pratique du fasting, ne pas manger pendant 16 heures consécutives ne posera plus de problèmes.

Pour avoir un minimum de résultats, il est conseillé aux débutants de faire le 16:8 au moins trois fois par semaine. Les pratiquants du 16:8 finissent souvent par l’adopter au quotidien en s’autorisant de temps à autre une journée off sans jeûner.

Variantes du 16:8

Avec l’expérience, il est aussi possible et intéressant d’expérimenter des périodes plus longues de fast, ce qui permet de prolonger les effets bénéfiques du jeûne. On distingue alors des variantes avancées du 16:8, comme le 18:6 correspondant à 18 heures de jeûne et 6 heures de fenêtre de prise alimentaire. De la même façon, on trouvera le 20:4, nommé aussi The Warrior Diet, correspondant à 20 heures de fast et une fenêtre de prise alimentaire de 4 heures. Et pour les plus chevronnés, il y a le One Meal A Day Diet (OMAD), protocole dans lequel on ne mange qu’une seule fois par jour. 

Le 5:2

Principe du 5:2

Ce protocole est particulièrement connu outre-Manche. Il a été rendu populaire par le Docteur Michael Mosley dans son livre The Fast Diet. Le 5:2 repose sur 5 jours d’alimentation normale et 2 jours dit de « jeûne ». En réalité, durant ces 2 journées, la restriction calorique n’est pas totale mais limitée à 25% de l’apport calorique normal, soit environ 500 ou 600 calories. Ces 2 journées de « jeûne » ne seront pas consécutives et seront idéalement espacées de 2 ou 3 journées d’alimentation normale.

Là encore, comme dans le 16:8, il s’agit d’être flexible et de s’adapter à son emploi du temps. L’idée est de fixer les jours de fast avant ou après un jour où l’on ne pourra rater un repas important (dîner d’affaires, réunion familiale, anniversaire d’un ami…).

Variante du 5:2

Le jeûne alternatif est une méthode avancée du 5:2. Il consiste à alterner un jour de jeûne avec un jour d’alimentation normale. Comme dans le traditionnel 5:2, le jour de restriction calorique ne seront consommées que 500 à 600 calories. 

Manger moins mais manger mieux

Comme vous avez pu le constater, le jeûne intermittent est une méthode relativement simple à instaurer. Sa flexibilité, le rend adaptable à l’emploi du temps de chacun. Mais l’IF ne se résume pas à sauter un repas dans une journée. Il est bien entendu préférable d’avoir une alimentation équilibrée pour optimiser son fast. En effet, vous pourriez pratiquer le 16:8, mais si vous mangez tous les jours de la junk food, cela n’aura pas beaucoup d’intérêt.

Gardez une place importante aux fruits et légumes (bio, de saison, en préférant les circuits courts d’approvisionnement). De cette façon, vous apportez les vitamines, minéraux et fibres nécessaires au bon fonctionnement de votre organisme. Il n’est pas nécessaire de manger de la viande tous les jours et lorsque vous en consommez, privilégiez des viandes de qualités (élevage bio, nourries au fourrage ou aux graines de lin, poissons gras). Les légumineuses et le tofu peuvent être des alternatives intéressantes à la viande. Évitez les aliments dont l’indice glycémique (IG) est élevé : viennoiseries, pâtisseries et autres aliments transformés. Évitez également les farines blanches et les céréales raffinées en préférant les produits à bases de céréales complètes (pains complets, pâtes complètes, riz brun) qui auront un IG plus faible que leur version raffinée. 

Malgré ces recommandations alimentaires de bon sens, n’hésitez pas à tuer la frustration sans culpabiliser. Une collation plaisir un jour sur deux ou un bon repas entre amis une fois par semaine ne vous fera pas de mal. La pratique régulière du jeûne intermittent met votre organisme en situation métabolique où vous brûlerez plus de graisses qu’une personne qui ne le pratique pas.

Contre-indications du jeûne intermittent

Bien que bon pour la santé, le jeûne intermittent ne sera pas adapté pour tout le monde. Il n’est pas du tout recommandé chez la femme en cas de grossesse et d’allaitement. En toute logique, il n’est pas non plus adapté aux nourrissons, enfants et adolescents en pleine croissance. Les personnes ayant des troubles du comportement alimentaire (TCA) ou ayant des antécédents de TCA (anorexie, boulimie), éviteront l’IF. En cas de pathologies aiguës, chroniques ou de traitements médicamenteux, l’avis d’un médecin sera nécessaire. 

La pratique du jeûne intermittent nécessite d’avoir une bonne santé globale. Avant toute pratique, il sera tout de même préférable d’avoir un avis médical, et le cas échéant être accompagné par un spécialiste du jeûne intermittent


Que boire durant mon fast ?

Pendant votre période de fast, boire sera un allié précieux pour faire passer une faim qui arriverait un peu tôt. Le thé vert permet d’ailleurs de couper celle-ci. En plus de l’eau et du thé, le café et les tisanes seront autorisés, mais ne devront pas être sucrés. 

Les jus de fruits, le lait animal, les laits végétaux, l’alcool, les sodas édulcorés ou non, le kéfir et le kombucha, auront un impact sur vos niveaux d’insuline et rompront votre jeûne, ils seront donc interdits durant le temps de fast. Vous pourrez boire ces boissons, une fois que vous entrerez dans votre fenêtre de prise alimentaire, en évitant tout de même les boissons ayant un IG élevé (sodas, jus de fruits).   

A vous de jouer !

Vous en savez maintenant plus sur le jeûne intermittent. Si vous souhaitez vous initiez à votre tour, je vous recommande de débuter avec le 16:8, plus simple que le 5:2 à mon sens. Allez-y petit à petit : si vous avez du mal à tenir les 16 heures, ce n’est pas grave, commencez par 14 ou 15 heures. Dans vos débuts, vous n’êtes pas obligé de faster tous les jours : commencez en jeûnant un jour sur deux ou juste le week-end par exemple. Familiarisez-vous avec la méthode en l’adaptant à votre rythme de vie. En pratiquant l’IF, vous développerez une plus grande écoute de votre corps. Votre rapport à la nourriture évoluera avec une envie naturelle de manger plus sainement. Votre notion de la faim changera également : vous arrivez à distinguer la vraie faim de celle conditionnée par les habitudes de société (heures, environnement) ou par la vision de nourriture (publicités ou quelqu’un mangeant devant vous).

En quelques jours, votre organisme s’adaptera au niveau métabolique et enclenchera les mécanismes physiologiques favorables pour votre santé. Vous ressentirez rapidement ses premiers bienfaits notamment en termes d’énergie physique et mentale. Le jeûne intermittent semble vraiment être une réponse pertinente aux maladies de civilisation. Les études récentes ne cessent de démontrer ses bénéfices sur la santé, et la science explique mieux aujourd’hui l’ensemble des mécanismes biochimiques impliqués.

En tant que sportif et professionnel de santé, le jeûne intermittent est une pratique intégrée à mon style de vie depuis plusieurs années. Je ne peux que vous encourager à vous y mettre également ! J’espère que cet article vous a permis de mieux comprendre ce qu’est le jeûne intermittent et vous a donné l’envie de le pratiquer à votre tour !

Bibliographie

Perlmutter, David (2013). Ces Glucides qui Menacent notre Cerveau. Vanves: Marabout, 478 p.

Harari, Yuval Noah (2015). Sapiens, Une Brève Histoire de l’Humanité. Paris: Albin Michel, 501 p.

Johnstone, A. 2015. Le jeûne pour perdre du poids: une stratégie efficace ou la dernière tendance en matière de régime? Journal international de l’obésité 39 (5): 727 33.

Stekovic, Slaven, Sebastian J.Hofer, Norbert Tripolt, Miguel A. Aon, Philipp Royer, Lukas Pein, Julia T.Stadler, Tobias Pendl, Barbara Prietl, Jasmin Url, Sabrina Schroeder, Jelena Tadic, Tobias Eisenberg, Christoph Magnes, Michael Stumpe, Elmar Zuegner, Natalie Bordag, Regina Riedl, Albrecht Schmidt, Ewald Kolesnik, Nicolas Verheyen, Anna Springer, Tobias Madl, Frank Sinner, Rafael de Cabo, Guido Kroemer, Barbara Obermayer-Pietsch, Jöm Dengjel, Harald Sourij, Thomas R. Pieber et Frank Madeo. 2019. Le jeûne alternatif améliore les marqueurs physiologiques et moléculaires du vieillissement chez l’homme sain et non obèse. Métabolisme cellulaire 30 (3): 462-476.e5.

Furmli, Suleiman, Rami Elmasry, Megan Ramos et Jason Fung. 2018. Utilisation thérapeutique du jeûne intermittent pour les personnes atteintes de diabète de type 2 comme alternative à l’insuline. Rapports de cas 2018.

Cremonini, Anna Laura, Irene Caffa, Michele Cea, Alessio Nencioni, Patrizio Odetti et Fiammetta Monacelli. 2019. Les nutriments dans la prévention de la maladie d’Alzheimer. Médecine oxydative et longévité cellulaire 2019: 1 20.

Fung, Jason (2016). Le Guide complet du Jeûne . Vergèze: Éditions Thierry Souccar, 373 p.